Les acteurs de l’EPIDE de Combrée

Mardi 19 février 2013

Maison des Sciences de l'Homme Ange-Guépin, Nantes

Table-ronde: 14h – 17h30

Pierre-Yves MARION DE PROCÉ, directeur du centre EPIDE de Combrée.

Françoise BOSSÉ, formatrice au centre EPIDE de Combrée.

Animation : Gérald HOUDEVILLE, Maître de conférence, UCO d'Angers, CENS.

 

Synthèse du séminaire

Objectifs de l’échange

Placé sous la triple tutelle des ministères en charge de la Défense, de l'Emploi et de la Ville, l'Établissement Public d'Insertion de la Défense (EPIDE) a pour mission l'insertion sociale et professionnelle des jeunes les plus éloignés de l'emploi. Il propose des programmes pédagogiques dispensés dans des centres de formation civils qui accueillent des jeunes en internat dans le cadre de parcours durant entre 8 mois et deux ans.

Cet échange d’expérience a ainsi été l'occasion de présenter le dispositif EPIDE et de recueillir l’expérience du directeur et d’une formatrice du centre de Combrée.

Il a été organisé en lien avec l’enquête sociologique dirigée par Gérald Houdeville sur l’EPIDE de Combrée. Décalant le regard par rapport aux critères d’évaluation de ce type de dispositifs, cette enquête qui questionne les effets du passage en formation pour les jeunes volontaires de l’EPIDE, s’appuie sur un protocole méthodologique similaire à celui d’ETAPE.

Créé à l’été 2003, l’EPIDE est un établissement situé en région parisienne. On compte 18 centres inégalement répartis sur le territoire qui mettent en place le dispositif « défense deuxième chance » ; ils sont en effet plutôt présents dans le nord, à l’est de la France et en région parisienne.

Parcours professionnel de nos invités

Pierre-Yves Marion de Procé dirige le centre EPIDE de Combrée depuis octobre 2012. Militaire de formation (dans la marine), il a été directeur adjoint de deux autres centres et a occupé un poste au siège auprès du directeur général adjoint, chargé du pilotage des centres.

Françoise Bossé a pour sa part une formation d’enseignante. Elle a débuté sa carrière comme professeur des écoles et a enseigné « de la maternelle jusqu’au lycée agricole ». Dans le cadre d’une action bénévole, elle a accompagné des adultes dans l’apprentissage de la lecture. Cette expérience l’a passionnée et c’est ainsi qu’elle a repris une formation pour devenir formatrice pour adultes. Elle a alors participé à la création d’une association en milieu rural destinée à des adultes en formation. La structure ayant fortement crue, madame Bossé a fini par ne plus exercer dans son cœur de métier pour être davantage en charge du volet administratif, fonction qui lui convenait moins. Ainsi après avoir postulé à l’EPIDE, elle a été recrutée en décembre 2006. Le centre de Combrée a ouvert ses portes en janvier 2007 et Madame Bossé a ainsi pu participer à l’accueil de la première promotion.

L’EPIDE : son histoire, son organisation du travail

Pierre-Yves Marion de Procé retrace la genèse de l’EPIDE : Créé fin 2005 sur une idée de Michelle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, l’EPIDE est effectivement sous la tutelle du ministère de la Défense qui ne finance pas directement le dispositif. Néanmoins,  il met son personnel et ses équipements à disposition des centres. L’EPIDE est en revanche financé par le ministère de l’emploi, le ministère de la ville ainsi que par l’Union européenne.

L’organisation des EPIDE s’est construite sur le modèle des classes, comme c’était le cas pour le service militaire : compagnie, section, groupe et « on fait rentrer des jeunes dedans », explique M. Marion de Procé. [cf. fichier 1] « Ça marche pour faire des individus disciplinés mais ça n’est pas très adapté pour un public de passage » comme c’est le cas des jeunes de l’EPIDE qui restent en moyenne un an dans le dispositif. Il y a alors eu ce que Pierre-Yves Marion de Procé considère comme « une véritable révolution culturelle » qui s’est manifestée par le passage de « faire quelqu’un de discipliné » à « faire quelqu’un d’autonome ». La pédagogie a été changée de la même façon que les métiers des intervenants en contact avec les jeunes. Le personnel n’a pas changé mais a bénéficié de formations pour aboutir à ces nouveaux objectifs pédagogiques.

Le centre de Combrée

Le centre de Combrée, qui compte 30 salariés, s’organise en trois grands services directions [cf. fichier 2] 1/ la direction du recrutement et de l’insertion professionnelle, 2/ la direction des formations et 3/ la section, cadre dans lequel vit le jeune avec un référent et deux tuteurs.

Viennent s’ajouter des postes administratifs, des moniteurs, accompagnateurs du centre qui encadrent les repas notamment et un chargé de l’accompagnement social. Une psychologue peut recevoir les volontaires s’ils le souhaitent.

Sur le volet formation, on compte trois formatrices en enseignement général, un formateur sport et un formateur en informatique qui gère également le parc informatique ; ils viennent d’horizons différents : santé, formation pour adulte, éducation nationale…

Malgré cette organisation du travail, les équipes fonctionnent de manière transversale, explique le directeur : le fonctionnement, c’est la communauté éducative où tous ces services et ces personnes se parlent.

Le public

2 000 « volontaires » sont accueillis chaque année au sein des 18 centres EPIDE. Chaque jeune accueilli (qui a entre 18 et 25 ans) est libre de partir à tout moment.

Il signe un « contrat de service » et n’est pas stagiaire de la formation professionnelle comme c’est le cas des jeunes enquêtés sur ETAPE. Les EPIDE n’ont d’ailleurs pas un statut d’organisme de formation.

En revanche, le public accueilli est bien sorti du système scolaire, en recherche d’emploi et considéré comme « en risque de marginalisation ». 30% doivent venir des ZUS (zone urbaine sensible) et CUCS (quartiers prioritaires des contrats urbains de cohésion sociale).

Les prescripteurs sont les Missions locales et la JDC (journée de défense citoyenneté). Des jeunes viennent également par le bouche à oreille. [cf. fichier 3]

Au centre de Combrée, les jeunes sont accueillis par promotion de 15 ou 20 stagiaires tous les deux mois. Le recrutement se déroule ainsi [cf. fichier 4] : le chargé de recrutement rassemble un « réservoir » de 50 à 70 candidats puis procède à un premier entretien téléphonique. Il convoque alors quelques d'entre eux pour un rendez-vous de pré-admission, occasion de voir si l’éloignement géographique ne freinera pas la venue des jeunes. Le seul « critère » qui semble compter est l’adéquation entre le jeune et le dispositif (« est-ce que notre système peut être utile, est adapté ? », interroge Pierre-Yves Marion de Procé). Sont écartés les candidats dont la situation relève de la psychiatrie ou des cas d’addictions lourdes. Les jeunes retenus subissent alors quatre entretiens : un premier entretien administratif puis avec une infirmière, qui doit acter que le candidat est médicalement apte au sport, avec la direction des formations et enfin avec la direction insertion. L’équipe débriefe le lendemain et convoque ensuite les candidats sélectionnés. Le nombre de personnes finalement recruté est fonction de la capacité d’accueil du centre (environ 75 jeunes en internat à Combrée).

L’internat obligatoire implique que certains candidats sont, de fait, moins fréquemment accueillis. C’est le cas de jeunes mères qui ont des charges de famille. A l’inverse, l’EPIDE peut accueillir des candidats qui ne sont pas seulement à la recherche d’une formation mais aussi d’une solution d’hébergement. L'internat peut jouer le rôle de sas de rupture avec le quartier ou l’environnement familial.

Les jeunes peuvent passer le permis de conduire à des conditions très avantageuses. Certains "viennent pour ça", remarque Gérald Houdeville, ce que confirme l’équipe de Combrée : peu importe si sa motivation première c’est de passer le permis à pas cher, l’important c’est que le jeune « bouge » pendant son passage à l’EPIDE.

La rémunération des jeunes s’élève à 210 euros par mois, indépendamment du statut du jeune (comme c’est le cas des allocations attribuées par le CR), versée par l’EPIDE. 90 euros chaque mois sont capitalisés et versés à la fin de la formation en cas de sortie positive exclusivement.

Parcours et contenu de la formation

Accueillis au sein d’un internat du lundi au vendredi, les jeunes suivent un rythme défini au préalable [cf. fichier 5] : Réveil 6h du matin, nettoyer et ranger sa chambre, se laver, se raser puis prendre son petit déjeuner. La formation débute ensuite (sport, insertion, formation générale, code de la route, informatique) et l’accès aux chambres n’est autorisé que le soir.

Les centres proposent des ateliers en lien avec la vie pratique et le quotidien et assurent une fonction éducative importante.

Le sport est un outil central de la pédagogie, pensé comme « un vecteur de confiance en soi ». Le sport collectif est également important.

L’EPIDE propose (comme l’E2Cel) un travail sur la connaissance du territoire, travaillé du point de vue de l’emploi mais aussi sur le volet citoyenneté ou via des activités en partenariat avec des associations par exemple ou des activités culturelles.

Le parcours de formation s’organise concrètement de la façon suivante : une première période probatoire de deux mois à l’issue de laquelle le centre peut mettre fin à la formation. Suit alors un séjour de cohésion puis la suite de la formation repose (comme c’est le cas au sein des actions de formation enquêtées sur ETAPE) sur une logique d’individualisation des parcours et un système de formation par alternance (entre centre et entreprise) :

–       La logique d’individualisation des parcours est notamment appuyée sur des tests de positionnement et du projet professionnel.

–       L’alternance : les jeunes vont en stage après qu’un projet professionnel ait été établi (au bout de quatre mois de formation environ). La durée et le nombre de stage sont très variables d’un jeune à l’autre.

Pour éviter les distinctions liées au port de marques, les jeunes doivent porter un uniforme tout comme les cadres des centres.

Il y a un règlement intérieur qui repose sur un système de sanction par points au centre de Combrée [cf. fichier 6]. Il a été mis en place pour inclure une progression dans les sanctions concernant la discipline et reste accompagné d’entretiens.

L’objectif principal de la formation c’est, selon le directeur du centre de Combrée, de « prendre une place dans la société ».

Résultats obtenus / La question de l’évaluation

L’EPIDE affiche un taux de réussite remarquable : « entre 60 et 80% de ceux qui vont jusqu’au bout du parcours trouvent un emploi ». Cependant, ceux qui sont partis au bout d’un mois ne sont pas comptés alors que l’on peut considérer que leurs sorties sont effectivement « négatives » en termes de placement. À l’inverse, certains jeunes qui vont au bout de leur parcours de formation sortent sans solution mais trouvent finalement du travail quelques mois plus tard. 

La sortie positive correspond à un emploi qui peut être un CDD et / ou une formation professionnalisante ou encore (et depuis peu) l’école de la deuxième chance. [cf. fichier 7] Mais la sortie positive, ça ne sert qu’à « être donné aux tutelles », affirment les directions des centres de formation qui s’adressent à ce public. Or le personnel « voit se passer chez ces jeunes plein de choses qui ne sont pas mesurables » insiste Pierre-Yves Marion de Procé.

Les apports pour le projet ETAPE

Outre l’intérêt suscité et renouvelé pour une recherche qui pointe les effets qualitatifs du passage en formation, les échanges ont permis de réfléchir à plusieurs points :

Les jeunes sont en demande d’un cadre, ce qui permet un environnement sécurisant pour le temps de la formation (et peut-être au-delà ?).

La « transformation des individus » ne passe pas seulement à travers les connaissances dispensées, mais également par les relations nouées dans le cadre de la formation et notamment les relations que les jeunes entretiennent entre eux.