Les acteurs du réseau de l’E2C France.

 Jeudi 22 novembre 2012

Ecole de la deuxième chance de l'Estuaire de la Loire

Objectif : Inviter les acteurs de l’E2C France pour qu’ils témoignent de leurs expériences et viennent ainsi enrichir la réflexion du groupe ETAPE visant à évaluer l’impact du passage en formation pour des jeunes sans diplôme ni qualification et identifier les indicateurs permettant de révéler ces effets.

Table ronde: 14h-17h30.

– Dominique DUJARDIN, directeur, E2C Essonne,

– Diba MEDJAHED, directeur, E2C Tours,

– Rémi BRIFFOX, chargé de mission, Réseau E2C France

– Fabrice CHARBONNIER, directeur E2Cel, Nantes

Animation : Caroline MAZAUD, post-doctorante, CENS.

 Synthèse du séminaire

Objectifs de l’échange d’expériences

Cet échange d’expériences nous a permis de situer les écoles de la deuxième chance dans le paysage et dans l’histoire de la formation des jeunes sans diplôme. Il a également permis de rappeler la genèse du réseau E2C France et les objectifs qui ont présidé à sa création. La présence de trois directeurs d’école de la deuxième chance a aussi été l’occasion de mettre en lumière les particularités de chacune liées notamment à la singularité des territoires dans lesquels elles sont respectivement implantées.

Les écoles de la deuxième chance sont nées d’une initiative européenne inspirée par le Livre Blanc sur l’éducation et la formation présenté au sommet des chefs d’État de l’Union européenne en 1995 à Madrid. Dans ce document intitulé, Enseigner et apprendre vers la société cognitive, les auteurs énoncent une série de propositions en direction des jeunes sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification. Ces dernières furent concrétiser par le lancement 12 projets dans autant de pays pilotes dont la France qui inaugure la première école de la deuxième chance en 1997 à Marseille. On dénombre aujourd'hui dans l'hexagone plus d'une centaine d'Ecoles réparties dans 18 régions, 46 départements et 4 Dom-Tom.

Alors que depuis 20 ans, la seule solution donnée aux jeunes peu ou pas qualifiés restait une alternative courte et ciblée hors des schémas scolaires, le pari des écoles de la deuxième chance prend le contrepied de cette démarche. Ses initiateurs proposent une formation globale en alternance en invitant les jeunes "stagiaires" à travailler sur leurs "compétences clés" et la construction d’un projet professionnel.

Les écoles de la deuxième chance

Pour débuter cet échange d’expériences les différents acteurs du réseau labélisé ont dressé un bref historique de la démarche et de son évolution: Naissance du projet et contexte dans lequel s’est mis en place ce mouvement dans les années 90 (fichier 1) puis l’essor qu’il a connu dans les années 2003-2004 (fichier 2).

Le label E2C France

S’il existe bien un label qui définit un référentiel commun au regard d’une charte, il ne s’agit pas de décliner un modèle défini par le haut et appliqué ensuite dans les différents territoires. En effet, les écoles sont d’abord et avant tout le fruit d’une dynamique territoriale avant d’être un projet national. Aussi, les démarches sont plurielles et varient en fonction du territoire sur lequel elles opèrent. Les écoles ont donc chacune leurs particularités à l'instar de l’école de la deuxième chance de l’estuaire de la Loire qui accueille, à Nantes, des jeunes de 18-30 ans et non des 16-25 ans comme les autres écoles. Le public accueilli étant majoritairement considéré comme « dé-institutionnalisé » (fichier 3) et de fait, hors des structures d’accompagnement telles que les missions locales, l’école doit recruter les jeunes par le biais de différentes structures implantées sur le territoire et notamment les associations locales (fichier 4).

Le parcours de formation et les moyens mis en œuvre 

La formation réservée aux jeunes non diplômés est avant tout une démarche fondée sur l’accompagnement et l’individualisation des parcours de formation ainsi que sur une forme d’alternance entre l’école et l’entreprise.

Ces parcours sont organisés sur une base commune au réseau :

– Un parcours de formation s’appuyant sur trois champs d’actions : un travail sur les compétences de bases, l’orientation professionnelle et le développement des compétences sociales et professionnelles (la citoyenneté, l’autonomie et la prise de conscience de son environnement).

– Un parcours long, d’en moyenne 10 mois.

– Des moyens supplémentaires :

> Du personnel encadrant : un taux d’encadrement renforcé avec un référent pour 10 à 12 jeunes; des référents pédagogiques et des formateurs travaillant sur l’individualisation dans l’acquisition des savoirs de base (français, mathématiques et informatiques); une coordination entreprises faisant le lien entre l’école, le jeune et l’entreprise et une fonction de diagnostic social (problématique de logement, santé…)…

> Des moyens techniques : l’outil informatique (cyberbase) et divers moyens matériels. (fichier 5).

La difficile question de l’évaluation

Aujourd’hui les critères d’évaluation des écoles se font en termes de sorties : Sorties positives et sorties négatives. Les indicateurs de sorties positives regroupés dans « l’attestation de compétences acquises » sont basés sur une évaluation quantitative des compétences et peuvent omettre une part importante des progrès « non formels » réalisés par les jeunes, comme la confiance en soi ou les progrès en termes de communication (fichier 6).

Discussion avec le public

Durant cette discussion les invités ont répondu aux questions posées par la salle.

Question : combien de jeunes sont accueillis à l’E2CEL et comment entrent-ils dans le dispositif ?

Pour revenir au public accueilli, il faut noter qu’à Nantes mais également ailleurs, la demande dépasse aujourd’hui les capacités d’accueil des écoles qui doivent ainsi gérer les effets de leur attractivité comme l’explique Fabrice Charbonnier (fichier 7). 

Quelle conception de l’alternance et de l’apprentissage ont les acteurs  de L’E2C et sur quelles bases théoriques se fonde le réseau ?

Le réseau qui est porté par des références fortes et notamment celles d’Edith Cresson au niveau national, reste un groupement qui ne se revendique d’aucune théorie ou idéologie souligne Dominique Dujardin pour qui l’hétérogénéité des parcours de ses membres permet un certain patchwork (fichier 8) évitant ainsi la composition d’un corpus idéologique figé.

Comment pensez-vous être perçu par les autres acteurs de l’AIO (accompagnement, insertion, orientation) ?

Selon Fabrice Charbonnier, les écoles de la deuxième chance on fait la preuve qu’elles apportaient quelque chose de complémentaire à l’existant et non quelque chose de concurrentiel. Il ne s’agit donc pas de se diviser un public mais bien d’élargir le champ d’action souligne Dominique Dujardin.

Quel est l’objectif spécifique dans lequel se reconnaissent les écoles ?

Les écoles se reconnaissent dans une approche spécifique de l’individualisation affirme Diba Medjahed. L’individualisation des parcours constitue un suivi et un accompagnement organisé en fonction des problématiques propres à chaque jeune. Cette individualisation est rendue possible dans la mesure où le parcours de formation est long et permet donc de prendre le temps nécessaire avec le jeune. D’autre part, le référentiel de compétences reste large et souple permettant ainsi aux équipes de  s’adapter aux besoins et aux attentes de chaque jeune.

Quelles sont les entreprises nantaises qui travaillent avec l’E2cel ? Et quel rôle jouent-elles dans la formation ?

Fabrice Charbonnier explique que les entreprises sont considérées comme des membres à part entière de l’équipe formative conformément à la démarche inspirée de la notion de « territoire apprenant » (fichier 9).

Les apports pour le projet ETAPE :

L’échange s’est peu à peu dirigé vers un questionnement fondamental pour l’enquête menée dans le cadre du projet ETAPE. Comment peut-on mesurer les effets non formels, les effets qualitatifs des passages en formation ? Certaines compétences échappent au référentiel de compétences du réseau. Cela étant des démarches nouvelles d’évaluation sont mises en place. L’E2cel a par exemple développé une grille d’évaluation spécifique pour les ateliers théâtre, basée sur la « capacité à communiquer ». De la même manière, Fabrice Charbonnier évoque le projet de déplacer l’évaluation de l’individuel vers le collectif en mesurant les progrès réalisés par le jeune en terme de participation ou d’investissement dans une action collective (fichier 10). La volonté de rendre le jeune acteur de son évaluation passe par un projet d’auto évaluation mais également par de nouvelles postures d’évaluation comme l’atteste par exemple les questionnaires de satisfaction. Des pistes sont donc envisagées et élaborées par les acteurs du réseau mais la complexité de l’évaluation du champ qualitatif reste entière.